Le crapaud du ressac l’attrapera à la fin
VIGILANCE
Tout de même, mon fils me surprit en me disant, du haut de ses 12 ans, de quoi parlait mon livre.
Le chapitre intitulé « Mrs à Ralph », mon premier faux départs, s’ouvre ainsi :
« Si Garp avait eu le droit de formuler un seul souhait, un souhait immense et naïf, il aurait souhaité pouvoir transformer le monde en a lieu sûr. Pour les enfants et pour les adultes. Le monde frappait Garp comme un lieu rempli de périls inutiles pour les uns comme pour les autres. »
A l’âge de 12 ans, Colin avait mis le doigt sur la question. Garp habite la banlieue sûre d’une petite ville sûre ; pourtant ni lui ni ses enfants ne sont en sécurité.
Le crapaud du ressac l’attrapera à la fin – comme il attrapera sa mère, et son fils cadet. « Faites bien attention ! » ne cesse de répéter Garp à ses enfants, comme je le répète encore aux miens.
Le sujet du roman, c’est donc la vigilance, cette vigilance qui, pourtant, ne suffit pas.
Le monde selon Garp
John Irving
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Citation de la préface de l’ édition française de 1998
Éditions du Seuil
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Je guette le Crapaud du Ressac
RESSAC
Et le Crapaud du Ressac ? Colin en connaissait bien l’origine.
C’était son frère Brendan qui avait mal compris, un jour d’été sur la plage, à Long Island. « Fais attention au ressac, Brendan, il y a un courant, lui avait enjoint Colin – à l’époque, Brendan avait six ans et Colin dix. Brendan n’avait jamais entendu parler du courant ;il crut que Colin lui parlait d’un crapaud. Quelque part, dans le ressac, un dangereux crapaud était à l’affût.
– Et qu’est-ce qu’il peut te faire ? S’enquit-t-il.
– Il peut te tirer sous l’eau et t’entraîner vers le large, répondit Colin.
Ce fut la fin de l’amour de Brendan pour la plage – il refusait de s’approcher de l’océan. Des semaines plus tard, je le vis qui se tenait à distance respectueuse du bord, les yeux rivés sur les vagues.
– Qu’est-ce que tu fais ? Lui demandai-je.
– Je guette le Crapaud du Ressac, répondit-il. Il est gros comme quoi ? De quelle couleur il est ? Il nage vite ?
Le monde selon Garp n’existerait pas sans le Crapaud du Ressac. C’est Brendan qui m’a mis sur la voie.
A ma grande surprise, Colin ne me demanda pas de quoi parlait le monde selon Garp . Ce fut lui qui me l’apprit.
« C’est sur la peur de la mort, je crois, commença-t-il, ou peut-être plus précisément la peur de voir mourir ses enfants, ou ceux qu’on aime. »
Le monde selon Garp
John Irving
Citation de la préface de l’ édition française de 1998
Éditions du Seuil
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